A la recherche des
origines :
DU FER A
REPASSER
par EUROFER ã.
Cliché d’une partie de la collection présenté au Musée.
S’il y a un instrument ménager qui
a été utilisé dans chaque famille, et à toutes les époques, c’est bien le fer à
repasser.
Modeste témoin de l’évolution des techniques et d’un
certain mode de vie à travers les siècles, cet ustensile que les
collectionneurs PRESSOPHILES ou SIDEROPHILES préfèrent appeler
« repassoir » puisque sa fonction est de repasser, n’a pas toujours
été connu sous les formes actuelles et en fait n’a été réalisé dans du fer que
pendant une certaine période.
En effet, contrairement à ce qu’on peut croire, les « repassoirs »
ne sont pas obligatoirement des objets plats avec une poignée pour les tenir.
A SAVOIR : PRESSOPHILES ou SIDEROPHILES
Les deux mots sont composés
chacun d’un préfixe :
-
« presso » pour le terme pressophile ; parce que
tout instrument pouvant servir à repasser – quelqu’en soient le type, le
matériau ou la forme – a toujours comme effet de soumettre un tissu à l’action
d’une PRESSION.
-
- « sidéro » de « sidéro » qui signifie fer
en grec pour le mot sidérophile.
et d’un suffixe commun :
-
« phile » qui signifie ami en grec.
L’évolution au fil des siècles…
Lorsque les
hommes ont commencés à fabriquer
des vêtements de peau cousus avec des tendons enfilés dans des aiguilles d'os,
ils ont appris à rabattre les coutures pour ne pas blesser la peau en utilisant
un caillou comme support et un os de mammouth soigneusement poli que l'on peut
considérer comme une forme primitive du lissoir. (130 000 et 70 000 avant J.C.)
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Par la suite, ont également été utilisés des
mâchoires de porcs, de bœufs, des dents et des défenses de sangliers et même
certaines formes de coquillages. Au Musée de Haugesund (Norvège) et au Musée du Folklore d'Oslo sont conservées
des mâchoires datant de 700 à 1 000 après J.C. C'était des Slikjekjake pour
lisser le linge et polir. Le verbe Slikje définit le polissage dans
l'Ancienne Norvège et en Islande. Slikjitonna est la dent à lisser. Cela
représente les témoins d'une culture à laquelle appartiennent ces types
d'instruments de lissage à froid. |
Précurseurs en
ce domaine comme en bien d'autres, les Chinois furent les premiers à utiliser
la chaleur.
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Au
Musée des Beaux Arts de Boston est conservé une peinture sur soie dénommée :
"Femmes préparant la soie ", exécutée par l'Empereur chinois Hui
Tsung (1082 - 1135) qui utilisa un modèle du VIIIe siècle peint par Chang Haiian et qui est
malheureusement disparu. Cette œuvre montre des femmes asiatiques utilisant
une sorte de casserole emplie
avec de la braise. Ces casseroles au long manche étaient en bronze et
décorées d'emblèmes, symboles de longue vie et de bonheur. Ces fers
"chinois" furent
utilisés en Asie jusqu'au XIXe siècle. |
Le lissoir
Des tombes de Vikings ou de
Parisiens du IXe ou du Xe siècle ont livré des lissoirs en verre de type
obsidien, en forme de boules. On en a découverts en Norvège, en Suède, au
Danemark, en Tchécoslovaquie, en Allemagne et en Hollande, et même un, fut retrouvé
sous l'eau à l'endroit maintenant recouvert de Port Royal, Jamacia.
Photo extraite du livret du |
Dans l'Encyclopédie Diderot et d'Alembert
(1762-1777) on trouve l'illustration d'une boule de verre à lisser parmi les
ustensiles du maroquinier. La Nouvelle Edda, au XIIIe siècle, décrit une
ménagère qui, avec une pierre à lisser "lissait le linge et amidonnait
les manches". Dans le
Svenska Akademiens Ordbok, on lit brièvement qu'elles étaient désignées en
1597 comme lissoir de couture. En effet, sur certaines on peut apercevoir des
petites rayures (traces d'aiguilles) car elles étaient aussi utilisées comme
boules à repriser. Le musée de
Verneuil en présente deux, dont l'une ressemblant à une pierre, recouverte de
calcifications, a été trouvée lors de travaux de terrassement à Amsterdam. |
La planche à calandrer
Elle
sert aussi à défroisser le linge à froid à l’aide d’un cylindre de bois et
d’une planche généralement décorée.
Scandinavie (1683) Finlande Danemark polychrome (1779). |
Collection Jacques Lebrun. |
La planche à calandrer a d’ailleurs donné naissance à un type de machine que nous appelons calandreuse et qui est plus connue sous l’appellation de mangle dans les pays de langue Anglo-Saxonne.
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Calandreuse à
pierres
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Nous trouvons la trace de fers à repasser que l’on pouvait
chauffer tout à loisir.
Les « Pressophiles » pensent que ces fers,
en ce qui concerne tout au moins l’Europe, virent le jour à la fin du 15ème
siècle et au début du 16ème siècle.
Ils étaient fabriqués de façon artisanale en fer forgé
dont la souche était souvent étirée pour former la poignée. (Notons que ces
fers étaient chauffés à même le feu).
Vers les XVIIe et XVIIIe siècles…
Les évolutions de la mode firent entrer le repassage
dans les mœurs et permirent à la classe moyenne d’adopter à son tour la
lingerie fine, qui n’était alors réservée qu’aux classes privilégiées.
(Coll.
Jacques Lebrun) |
Cette plaque, soigneusement exécutée par un artisan forgeron,
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Les
fers à la braise
En tôle de fer apparaissent. Ils ont la forme de « bateaux » chauffés intérieurement par des braises.
Innovation :
cette fois-ci, on mettait le feu dans le fer et non plus le fer dans le feu.
Inconvénients :
- brûlures de la main de la repasseuse, par
radiations ou par contacts accidentels ;
- dégagements « d’émanations
pernicieuses » (oxyde de carbone). Beaucoup de lingères se trouvaient
atteintes de phtisie galopante (tuberculose).
A
partir de la fin du XIXème siècle, l’utilisation industrielle de la fonte
amorce leur disparition au profit de modèles en fonte coulée, bien meilleur
marché.
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P R O T O T Y P E |
Détail de la fermeture. (Coll. Jacques Lebrun) |
Les
fers creux chauffés par masse interne
Presque simultanément, des modèles en forme de « barquette »
et de « langue de bœuf » sont également utilisés. La braise est
remplacée par un bloc de métal préalablement chauffé et introduit à l’intérieur
de la boîte creuse qui communique sa chaleur à la semelle.
(Coll.
Rudolf Stark) |
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Au début du 19ème
siècle…
Les fonderies de
nombreux pays commencent à produire la fonte d’une manière industrielle et
leurs catalogues s’enrichissent d’une variété insoupçonnable de pièces dont des
fers à repasser.
Parmi ceux-ci les plaques sont les plus nombreuses.
Leur forme et leur appellation varient selon les régions de
France…
(Coll.Gérard Baumelin) |
(Coll.Gérard Baumelin) |
(Coll.André Ragot) |
(Coll.André Ragot) |
…selon les corporations utilisatrices
(brodeuses, giletières, corsetières, tailleurs, teinturiers…)
Les fers à tuyauter
(Coll.
Jacques Lebrun)
·
Les
fers « à coque » : ainsi que les fers « à tuyauter »,
« à plisser » sont utilisés pour les cols à fraise, les dentelles,
les coiffes et bonnets, répondant ainsi aux raffinements des modes qui se
succèdent.
Les fers dits
« KABYLES » sont petits au bout d’un long manche. Ils étaient utilisés pour
repasser les manches, les bonnets et certaines parties des vêtements
difficiles d’accès. |
Collection Chantal
Desmettres. |
·
Les
fers dits « POLONAIS » : de petite taille, sont arrondis aux
deux bouts.
Les fers d’enfants
Ces modèles parfois étonnants sont des fers de petite taille…
Les
fers de giletières
|
Ne pas se
méprendre… Malgré sa décoration, ce
fer n’a jamais fait partie du paquetage des marins, l’ancre de marine
symbolise l’union de deux frères (Ets Camions Frères à Vivier-au-Court
(Ardennes). |
Fers
étroits dits « Pagode »
Selon les fabricants, ces fers portent des appellations différentes.
Ce fer présenté ci-dessus, commercialisé par la Maison CHAMBON-LACROISADE,
est désigné sous le terme de « Fer à fronçures ». Parfois confondus avec
des fers de corsetières,
les autres fabricants (Tillet, Bernard-Huet, Camion Frères et Emile
Guillet-Fagot)
les
désignent comme « Fers étroits » pour le repassages des fronces des
poignées et des corsages.
Les fers de tailleurs
Carreaux
ou blocs. (Coll. Jacques Lebrun) |
(Coll. Jacques Lebrun) Ces fers massifs de 4 à 14 kg, sont utilisés par les tailleurs d’habits pour rabattre les coutures. |
Les
fers de chapeliers
|
Les deux premiers modèles sont en fonte (chauffés par une source de
chaleur directe).
Le troisième en bronze nickelé est creux et chauffé au gaz. Le dernier en tôle de laiton nickelée très fine était chauffé à l’eau bouillante. |
|
(Coll. Jacques
Lebrun)
Une belle pièce de
collection !
Remarquons que la fonte permit
la fabrication de fourneaux spécialement conçus et qui pouvaient chauffer
plusieurs fers simultanément. Le plus grand que vous verrez au Musée, a été prêté lors du tournage du film sur le Maréchal Pétain, réalisé à Vichy, sorti sur les écrans le 5 mai 1993. |
Grande cloche
repasseuse de marque Thévenot (1939). |
Table à repasser africaine.
(Coll. Jacques Lebrun).
Le modèle représenté ci-dessus provient du Sénégal mais le
même système de repassage,
parfois encore utilisé de nos jours, existait également en Mauritanie et au
Mali.
L’énergie
moderne…
Le 17 janvier 1880, Thomas EDISON reçu le brevet
Américain n° 223 898 pour la lampe à incandescence. C’était le premier pas vers
l’utilisation du courant électrique pour un usage pratique nécessitant une
puissance supérieure à elle obtenue jusqu’alors avec des piles ou des machines
de laboratoire.
C’est à cette époque qu’apparurent les premiers
fers électriques, mais qui étaient surtout des fers expérimentaux, ne pouvant
être diffusés faute de distribution de courant électrique.
H. W. SEELY (Electric FLAT IRON).
Jusqu’à ces dernières années,
tous les spécialistes s’accordaient pour considérer le brevet américain n° 259
054, déposé par H.W. SEELY le 6 juin 1882, comme étant la description complète
du premier fer électrique.
Il existait bien un brevet
anglais antérieur de quelques mois, mai il s’agissait d’une énumération des
appareils ménagers concevables avec l’usage du courant électrique dont –entre
autres – le fer à repasser sans aucune précision sur sa réalisation.
Or, le Science Museum de Londres
possède dans ses collections un fer à arc marqué : J
H G BREVETE S.G.D.G. 354
Early Electric
Iron with Carbon Arc Grâce à la courtoisie du Director du
Sience Muséum, London |
Vue extérieure. |
Vue interne.
Nous pensions quant à nous
que ce fer – certainement de conception Française (breveté SGDG) – devait être
d’une fabrication légèrement supérieure à l’année 1900.
Or, dans un ouvrage récent
intitulé « Contemporary Collectibles » écrit par Linda Rosemkrantz en
janvier 1992, cet auteur citant les sources de « l’ Electricity
Association » en Angleterre, relève : « Le premier fer
électrique est apparu en France en 1880, mais il utilisait un arc et semait des
morceaux de charbon incandescent qui brûlaient le tissu !
Alors ? Le premier
fer électrique est-il Français ?
Nous laissons à l’
« Electricity Association » la responsabilité de cette assertion que
nous ne revendiquons pas, mais que nous serions bien sots d’infirmer.
Quelques
dates de commercialisation :
|
En Europe, on citait comme premier brevet celui du Français Armand
LABRE, déposé en 1887. 1901 – Fer Armand LABRE pour
tailleurs. |
1905
– Fer FORTE pour repasseuses.
1908 – Fer marque
« Etoile » ménager, assemblé manuellement dont chaque exemplaire est
numéroté.
En fait, de la fin du XIXème siècle et jusqu’aux vingt
premières années du XXème siècle, l’esthétique des fers électriques fut
extrêmement variée et aucune forme ne se généralisa.
L’une d’elles
devait cependant s’imposer avec la création en 1913, dans une petite boutique
de la rue Centrale de Lyon, du fer mis au point par l’ingénieur français Léo
TROUILHET, modèle dont la poignée devenue célèbre, s’inspirait de celle du fer
AEG à arc de 1897.
Un des fers Calor de type « Ménage » Collection :
Musée de Verneuil-en-Bourbonnais. |
La grande Guerre mobilisa au front
l’inventeur dès août 1914. Rendu à la liberté en 1917, il reprend l’affaire
et fonde la Société Calor 100 % Française. En septembre 1917 naissaient les premières chaînes
de fabrication en France du fer ménager et professionnel sous la marque CALOR
dont le siège, à l’époque était rue Boileau, et les ateliers dans le quartier
Monplaisir, Chemin des Alouettes. |
CALOR est alors
envié, copié par tous et devient le leader en France dans le domaine des fers à
repasser. Et dernièrement, la marque a encore révolutionné l’industrie du fer à
vapeur avec ses modèles à cartouches filtres remplaçables et semelles
« super-gliss » en durilium.
En 1924, apparaît la vapeur. Ce modèle que vous pourrez voir au Musée est le
premier fer électrique à vapeur breveté par Eldec Company. Inc, Long Island
City, New York, le 30 décembre 1924. |
Collection Tony et Colette Brangero. |
Par la suite, de nouveaux
modes de chauffage apparurent : alcool, gaz, fers de voyage à alcool
solidifié (Méta).
|
(Coll.
Musée de Verneuil-en-Bourbonnais) |
Surtout, vers la fin du siècle, pour le bonheur
des collectionneurs, les fonderies diversifièrent les modèles et multiplièrent
les décors : plus d’un million de dessins différents ont été dénombrés à
ce jour.
(Coll.
Jacques Lebrun)
ã Musée de Verneuil – Reproduction interdite.